Pourquoi Piccioni ?
Pourquoi j’aime mon métier de marbrier funéraire ?
La marbrerie funéraire n’a pas une image bien glamour, c’est certain. Et pour cause : elle touche à ce que l’on redoute tous. Quand, à la question « Et qu’est-ce que vous faites dans la vie? » que me pose quelqu’un qui me connaît à peine, je réponds : « marbrier funéraire à Nice », le sourire se fige, le regard se détourne, et on change de sujet. Même si peu de gens connaissent vraiment ce métier, le mot « funéraire » suffit à créer le malaise. Je me dis à chaque fois que si je répondais : jongleur dans un cirque, pilote d’avion, ou détective privé, on me poserait des tas de questions, on aurait les yeux qui brillent.
Mais voilà, c’est un très beau métier, et j’ai envie de vous en parler.
Humain, si humain
Ce métier est beau surtout parce qu’il est fait de rencontres, avec des personnes et des émotions. C’est vrai que la plupart des familles qui entrent dans notre marbrerie à Antibes ou à La Trinité ont le cœur lourd. Ils viennent de perdre un être cher. Mais notre rôle n’est pas de les consoler, nos clients le savent bien et ne nous le demandent pas. Ce qu’ils attendent de nous, c’est de fabriquer un monument digne du défunt, de les aider à formuler leur demande, et donc de ne pas plonger avec eux dans un abîme de tristesse. Bon, je vous avoue qu’il n’est pas rare que j’ai les yeux embués, et chaque récit, sincère, poignant, est bouleversant. Mais je dois être disponible pour ceux qui sont vivants, là, devant moi.
Alors nous réfléchissons à la manière dont nous allons traduire la personnalité du défunt, ses passions, son rayonnement particulier, sur un monument funéraire : quelle forme? quelle couleur? plutôt simple, plutôt majestueux?
La conception du monument fait partie du processus du deuil. C’est un hommage, durable, rendu au défunt. Alors nous prenons notre temps.
Le lien
Le deuil est un processus intime, et mon travail de marbrier crée des liens particuliers avec mes clients. Mais je reste à ma place; j’écoute, j’attends, je propose. Et puis vient le croquis. Il y a un moment précis où je dois prendre mon crayon, et une feuille blanche. C’est un moment délicat, car on passe au concret.
Il m’est arrivé de faire ce schéma sur un banc au cimetière, devant un emplacement encore nu, avec un homme qui venait de perdre sa femme. Mais aussi avec une famille qui ne m’avait rien dit du défunt, et qui voulait que le monument évoque la mer, juste ça. J’ai aussi fait ce schéma dans un grand éclat de rire, avec un couple hilare qui voulait faire construire son ultime demeure dans une joie de vivre contagieuse.
Voilà, c’est aussi pour ce lien, si particulier, ce moment incomparable où je trace les premières lignes, que j’aime ce métier.
La matière
Dans la marbrerie funéraire, on travaille finalement très peu le marbre, mais beaucoup le granit. C’est une roche très résistante, et aux aspects très variés. La beauté de cette matière est fascinante: des siècles d’histoire sont écrits dans ses veinures, dans ses cristaux. Le façonnage de ces énormes blocs nécessite une technique et un savoir-faire qui ne s’improvisent pas. Quand elle se transforme en une sculpture à l’image du défunt, quand elle est gravée d’une lithographie toute gracieuse, quand elle révèle une surface parfaitement brillante sous les caresses de la ponceuse, et bien, je tire mon chapeau aux artistes, je ne m’en lasse pas et je ne serai jamais blasé.
Après le façonnage, le polissage, vient la pose. Et là encore, pas d’ « à peu près ». Quand mon équipe transporte des pièces d’une tonne, quand nous assemblons une chapelle de deux mètres de haut, tous nos gestes sont pensés, nous sommes tous concentrés sur le même objectif. J’adore ça, être sur le terrain avec eux, même si c’est parfois très difficile. Certains cimetières de la région Alpes-Maritimes sont très peu accessibles, et faire monter des escaliers à des plaques de granit n’est pas simple. Nous n’avons pas droit à l’erreur, en fait.
Parfois, nous gagnons mètre par mètre, parfois nous faisons intervenir l’hélicoptère. Ah oui, ça aussi, c’est un aspect que j’aime dans mon métier : on ne s’ennuie jamais.
Des histoires
On ne s’ennuie jamais, et certaines réalisations sont de véritables aventures. Il faut dire que quand un projet me plait, et que je sais que nous pouvons le faire aboutir, je l’accepte. Mais parfois, c’est plein de rebondissements, et il ne faut pas ménager ses efforts. Des histoires, nous en avons plein.
Nous avons cherché un bloc de granit noir pour réaliser une dalle de près de 5m2 et 12 cm d’épaisseur, ce qui est quasi introuvable, nous avons transporté un obélisque par bateau, nous avons remonté une chapelle dont le client avait perdu le plan, j’ai eu la chance de participer à une inoubliable aventure humanitaire, l’ascension du Stok Kangri avec Noël Smara, en mémoire des victimes de l’attentat de Nice. Je ne suis pourtant pas assoiffé de défis, je suis parfois fatigué, inquiet, et ce travail peut être un peu rude.
Mais, je vous l’ai écrit,…voilà pourquoi j’aime profondément mon métier.
Ludovic Reynaud
Responsable de la Marbrerie funéraire Piccioni